mardi 14 juillet 2009

Le travail rend libre



Arbeit macht Frei (le travail rend libre). C'est cette devise apposée à l'entrée des camps de concentration qui me revient à l'heure où, aux Etats-Unis des salariés désespérés acceptent de travailler gratuitement, à l'heure où British Airways, en Europe donc, a demandé le mois dernier à ses employés basés en Grande-Bretagne de se porter volontaires pour travailler jusqu'à un mois sans rémunération, à l'heure ou un site dénommé jobnob.com met en relation des entreprises et des chômeurs prêt à travailler gratuitement.
La justification de Julie Greenberg, co-fondatrice de Jobnob.com interviewée dans l'Express repose sur trois points :
- ne pas courir le risque d'avoir une période de non activité dans son CV
- acquérir des références et de nouvelles connaissances immédiatement
- il faut être compréhensif et savoir s'adapter lorsque les circonstances sont défavorables

On ne semble pas pouvoir faire autre chose que s'incliner platement devant une telle évidence.
Mais l'une des vertus de la philosophie c'est d'apprendre à se se méfier des fausses évidences qui sont souvent de vraies illusions orchestrées par de vrais manipulateurs.

Cest ainsi que, plus profondément que ces ajustements de surface, on peut ainsi repérer dans l'histoire une tradition bien ancrée (à droite) qui justifie le travail, le maximum de travail, rémunéré le moins possible de préférence.
Ainsi ce slogan "le travail rend libre" a été forgé pour contrer le discours socialiste pour lequel tout progrès social consistait à libérer l'homme de la contrainte et lui permettre de se réaliser individuellement et collectivement.

On retrouve un clivage philosophique et idéologique clair entre deux options :

- l'une pour laquelle la priorité de l'activité humaine est d'atteindre à la réalisation de soi et de s'opposer à la servitude volontaire à laquelle sont manifestement prêt les salariés désorientés.

- l'autre qui, par un tour de passe-passe confond toutes les activités sous le terme de "travail" en supposant qu'il est émancipateur par définition même lorsque l'activité est manifestement dégradante. Et cela en soupçonnant le goût de la paresse et la perte de la valeur travail dans les classes populaire.

C'est à la lumière de ce clivage et de cette tradition qu'on peut mieux comprendre le fait que Nicolas Sarkozy ait régulièrement réaffirmé que "le travail libère l'individu" (France 2, Journal de 20h, 29.03.2005). N'en doutons pas, cette phrase est une réelle provocation, tactique et nauséabonde à souhait, parce que nul n'ignore ce à quoi elle fait référence. Et nous devons la prendre comme un signe inquiétant d'une période sombre, comme lorsque Pétain affirmait "il faut régénérer la France gangrenée par la paresse qu'incarnent les congés payés" ou comme lorsque Daladier, juste après la chute du Front Populaire en 1938 disait: " Il faut remettre la France au travail ".

Dans Les mensonges de l'économie (Grasset, 2004) le célèbre économiste J.K. Galbraith a rappelé l'escroquerie de langage, sur laquelle reposent ces discours récurrents, qui consiste à désigner par le même mot des réalités totalement opposées :
"Le mot travail s'applique simultanément à ceux pour lesquels il est épuisant, fastidieux, désagréable, et à ceux qui y prennent manifestement plaisir et n'y voient aucune contrainte [...] User du même mot pour les deux situations est déjà un signe évident d'escroquerie.

Mais ce n'est pas tout. Les individus qui prennent le plus plaisir à leur travail - on ne le soulignera jamais assez - sont presque universellement les mieux payés.
"

Parce que personne ne semble s'étonner, qu'alors que les sociétés occidentales n'ont jamais été aussi riches, que la productivité n'a jamais été aussi forte, que nous ne nous sommes jamais autant appuyés sur la technique, ce qui était possible hier (les congés payés, la sécurité sociale, un salaire décent,etc ), qui en Europe et en France a été édifié (sous l'influence des résistants communistes) à la sortie de la guerre à un moment où les pays étaient dévastés, ne serait plus possible aujourd'hui.

C'est dans ce contexte que, la motion de rejet préalable du travail dominical présentée par Martine Billard (députée Vert, ayant récemment rejoint le Parti de Gauche après la droitisation prévisible d'Europe Ecologie ) au parlement, prend tout son sens.

L'analyse est technique mais on peut en retenir entre autre pour ce qui nous intéresse : "La majorité veut nous faire croire qu'elle aurait finalement trouvé un texte de consensus après la cacophonie de décembre dernier, et qu'elle agirait au nom de la modernité à laquelle tout le monde serait sommé de s'adapter alors que ce n'est qu'un bégaiement de l'histoire du XIXe siècle."

cf : http://lesverts.fr/article.php3?id_article=4731

S'il fallait revenir à une période de l'histoire ce serait à celle de toutes les aristocratie de l'histoire, celle des Egyptiens, des Grecs, ou du Moyen-âge, qui n'opposent pas oisiveté et travail, mais activités asservissantes, soumises aux contraintes matérielles et activités favorisant l'humanité de chacun, favorisant son épanouissement. Comment penser tranquillement, comment créer, comment exercer une réflexion citoyenne si on doit passer sa journée en activité éreintantes et humiliantes, à trimer toute la journée pour se procurer du pain ?

Ces activités d'hommes libre les Grecs les appelaient "skholè", c'est-à-dire loisir...

Souvenons-nous des paroles tristement éternelles de Paul Lafargue dans Le Droit à la paresse, écrit en 1883 :

"Travaillez, travaillez, prolétaires, pour agrandir la fortune sociale et vos misères individuelles, travaillez, travaillez, pour que, devenant plus pauvres, vous avez plus de raisons de travailler et d'être misérables. Telle est la loi inexorable de la production capitaliste. Parce que, prêtant l'oreille aux fallacieuses paroles des économistes, les prolétaires se sont livrés corps et âme au vice du travail, ils précipitent la société tout entière dans ces crises industrielles de surproduction qui convulsent l'organisme social. Alors, parce qu'il y a pléthore de marchandises et pénurie d'acheteurs, les ateliers se ferment et la faim cingle les populations ouvrières de son fouet aux mille lanières. Les prolétaires, abrutis par le dogme du travail, ne comprenant pas que le surtravail qu'ils se sont infligé pendant le temps de prétendue prospérité est la cause de leur misère présente, au lieu de courir au grenier à blé et de crier: «Nous avons faim et nous voulons manger !"

Allez, feu d'artifice et bal des pompiers pour tous!

dimanche 5 juillet 2009

Du plaisir de l'art par dessus tout

Un sélection musicale de choix pour fêter l'arrivée des beaux jours sous le doux soleil de juillet, les légers embruns d'Anglet et la tonelle du Vent d'Ouest.

Le philosophe Alain dit à propos de l'art :"Il faut prendre intérêt à la vie humaine et à la nature(..) Je suppose que le principal de l'affaire n'est pas de croire en Dieu, mais à la beauté de toutes les heures, Dieu ou non. A quoi nous forment les conteurs, les poètes, les peintres, les musiciens, qui sont nos enchanteurs. C'est ainsi qu'une peintre nous fait voir beauté dans un buisson, un fossé, un tournant de route, et le ciel au-dessus. Et la musique sait très bien élever le chagrin au niveau de la joie, de façon qu'il soit tellement beau de vivre dès qu'on a le loisir de regarder et de rêver. Je ne dirai donc pas seulement que ce sont les génies enchanteurs qui nous délivrent de l'ennui; je dirai qu'ils nous font nous-mêmes poètes et peintres." Alain, Propos

Ayons donc une pensée reconnaissante pour ceux qui ont enchanté nos journées et nos nuits, parfois au sacrifice de leur propres existences. Nina, Michael, Isaac et tous les autres...merci à vous.




01 - Wax Tailor - Ungodly fruit (3:00)
02 - Mulatu Astatke & Heliocentrics - Cha cha (4:35)
03 - Dorothy Ashby - Afro-Harping (2:59)
04 - Michael Jackson - I Can't Help It [Todd Terje remix] (9:37)
05 - Duke Jordan - Night in Tunisia (dj jazzy jeff remix)-dh (6:02)
06 - Lloyd & Glenmini - Skirt and go go boots (2:35)
07 - Kormac - kormacs house (3:55)
08 - G-swing feat. the cotton kids - I'm crazy bout my baby (3:17)
09 - Free the robots - Jazzhole (3:43)
10 - Mr Scruff - Get a move on (3:24)
11 - Analog People in a digital world - Rose rouge (original mix) (8:34)
12 - Nina Simone - Sinnerman (Luciano remix) (13:01)
13 - Gotan Project - Santa Maria (Pepe Bradocks Wider mix) (7:03)
14 - Re jazz - Mental strength (akufen interpretation) (6:14)
15 - Herbert - Caravan (michel petrucciani) (4:33)
16 - Dr Rockit - Café de flore (trio reprise) (2:13)