samedi 14 janvier 2012

Longue vie à l'épicurisme

"Seul celui qui peut se passer de la richesse est digne d’en jouir", affirme Épicure.
C'est en suivant ce principe et au nom d'un retour à la vie réelle qu'il y a un peu plus d'un an, un business man autrichien nommé Karl Rabeder a décidé d’abandonner sa vie de milliardaire, qu’il jugeait beaucoup trop superficielle, pour vivre avec seulement 1000 euros par mois.
Il a vendu son ancien chalet luxueux de 321 m2 avec hammam et vue imprenable sur les Alpes, vendu son entreprise, et utilise sa fortune pour financer une société de microcrédit, qui soutient des projets dans le tiers-monde.



On reproche souvent à l'épicurisme de tourner le dos à la vie politique, préférant l'autarcie à la vie en commun avec les concitoyens. Et effectivement le malheur qui découle des désirs vains comme la gloire, la fortune, les passions, dérive bien de la vie sociale qui cultive l'amour propre, la vanité et les valeurs factices. C'est pourquoi, cherchant la plénitude d’être, le sage fait nécessairement de l’autarcie psychique et matérielle, c’est-à-dire de la capacité de se suffire à soi-même la condition nécessaire et suffisante du bonheur et de la sagesse.
Mais l'histoire a objecté à Épicure que le bonheur solitaire n'existe pas et que le malheur collectif conduit inéluctablement le tumulte et le fracas à frapper à la porte de la communauté si elle ne s’étend pas jusqu'à l'humanité entière. Équilibre difficile entre l'impossibilité d'être heureux dans un monde ignorant des moyens d'atteindre le bonheur et l'incapacité pour l'homme de construire des murs assez hauts pour protéger son corps et sa conscience du malheur du reste de l'humanité.

Mais Épicure accepterait peut-être d'étendre son cercle d'ami et de se préoccuper des affaires publiques si le bonheur était à nouveau une finalité du politique. Il y a plus de 200 ans St Just s'enthousiasmait "Le bonheur est une idée neuve en Europe". Malheureusement, à part l'épisode heureux du programme du Conseil National de la Résistance qui s'intitulait justement "Les jours heureux" le bonheur ne semble plus être une finalité. Il est redevenu un principe honteux chacun étant appelé à prouver qu'il est, avant toute chose, un citoyen productif.
Un espoir cependant : que la proposition du roi du Bhoutan, Jigme Singye Wangchuck, en 1972, d'instaurer en lieu et place du PIB qui valorise aussi bien votre accident de voiture que la vente d'arme, un nouvel indice, le Bonheur National Brut (BNB). Basé sur les valeurs spirituelles bouddhistes, le BNB reposerait sur 4 piliers :
- croissance et développement économiques
- conservation et promotion de la culture
- sauvegarde de l'environnement et utilisation durable des ressources
- bonne gouvernance responsable

Encore faudrait-il être prêt à vouloir être heureux...


Vraiment, "seul celui qui peut se passer de la richesse est digne d’en jouir".