samedi 18 septembre 2010

Les grands esprits sont des sceptiques



Dans l'édition d'hier du journal Le Monde, Benoit Hamon cite Nietzsche : « Il ne faut pas s'en laisser conter. Les grands esprits sont des sceptiques » (Ecce Homo).

Dans la ligne sceptique de son propos j'ai remis au clair des arguments présenté lors du dernier Attac café mercredi dernier à Bayonne.

Ils peuvent être lus ici.

vendredi 17 septembre 2010

Nul ne sait ce que peut le corps


Gaël Monfils, aujourd'hui sur le court du Palais des sports de Lyon lors de la coupe Davis.



"Personne n’a jusqu’à présent déterminé quel est le pouvoir du Corps, c’est-à-dire que, jusqu’à présent, l’expérience n’a enseigné à personne ce que le Corps est en mesure d’accomplir par les seules lois de la Nature, considérée seulement en tant que corporelle, et ce qu’il ne peut accomplir sans y être déterminé par l’Esprit."
Spinoza, Ethique, III, 2 et scolie

samedi 11 septembre 2010

On n'arrête pas le progrès!


La sagesse des nations, comme on l'appelle, affirme facilement, au détour de banalités d'usage qu'"on arrête pas le progrès". Par là elle veut dire que plus le temps passe mieux les choses vont. Cette conception de l'histoire comme progrès est le produit d'une révolution intellectuelle opérée à la force du poignée par les penseurs de la Renaissance puis des Lumières, s'opposant ainsi à toute la tradition mythologique puis religieuse du mythe d'un âge d'or dont l'histoire nous éloignerait inéluctablement.
Mais depuis près d'un siècle cette formule a pris un autre sens dont le caractère inquiétant ne cesse de se préciser. Dire "on arrête pas le progrès" lorsqu'on entend par progrès le progrès technique c'est dire qu'il constitue un processus qui se développe indépendamment de tout contrôle. Il ne serait pas plus la marque de notre puissance et donc de notre liberté mais au contraire un phénomène autonome capable même de se retourner contre celui qui en avait eu l'initiative. Le roman Frankenstein ou Le Prométhée moderne publié en 1818 par la Britannique Mary Shelley (fille de la philosophe féministe Mary Wollstonecraft et de l'écrivain politique anarchiste et utilitariste William Godwin, soit dit en passant puisque les chiens ne font pas des chats) et toute la science fiction après lui, ont illustré et approfondit cette angoisse.

C'est d'ailleurs ce qui oppose radicalement Rousseau aux autres penseurs des Lumières. Il est le premier a prendre conscience que le progrès technique et scientifique, étaient tout à fait compatibles avec l’inculture, l'injustice et la barbarie. Que le progrès technique ne disait rien de la richesse d'une culture ou d’une société.
Michel Henri dans La barbarie décrit en ces termes le processus : "Ainsi l'univers technique prolifère-t-il à la manière d'un cancer, s'auto-produisant et s’auto-normant lui-même en l’absence de toute norme, dans sa parfaite indifférence à tout ce qui n'est pas lui - à la vie..." (un extrait plus long ici)


C'est un constat de cet ordre qui m'empêche d'écrire depuis quelques semaines, en plus du temps passé à organiser la bataille sur le terrain. Après des mois de réunions publiques, de manifestations et de pétitions, dans l'urgence de la lutte donc, la distance nécessaire à l'analyse philosophique est difficile à opérer.

Il faut évidemment rappeler que le gouvernement en place et le chef de l'État en premier lieu n'ont aucun mandat, aucune légitimité pour (contre-)réformer le système de retraite en repoussant l'âge de départ minimum. Le président Sarkozy avait ainsi dit dans une interview au Monde le 27 janvier 2007 : « Le droit à la retraite à 60 ans doit demeurer. ». Il avait réitéré son engagement sur RTL le 27 mai 2008, à propos du relèvement de l’âge légal: « j’ai dit que je ne le ferai pas. Je n’en ai pas parlé pendant ma campagne présidentielle. Ce n’est pas un engagement que j’ai pris devant les Français. Je n’ai donc pas de mandat pour cela ».
Autrement dit, après le déni de la parole populaire que constituait le référendum non respecté du Traité Constitutionnel Européen, la réforme des retraites est une nouvelle atteinte au fondement même de notre démocratie, à savoir la confiance dans les élus pour représenter les citoyens.

Mais si on essaye de résumer en quoi réside le scandale et l'aveuglement du vote des députés de l'assemblée national, ainsi que l'immense tristesse de dizaines de millions, la majorité il faut le rappeler, de Français, on peut se reporter à l'analyse d'Hervé Kempf dans une tribune publié dans Le Monde du 7 septembre, le jour des manifestations contre la réforme des retraites.

"Oui, bien sûr, il faut refuser le projet de réforme des retraites proposé par le gouvernement. Certes, le système de solidarité collective mis en place à l’orée des « trente glorieuses » appelle une remise à plat. Cependant, un gouvernement si ostensiblement proche de l’oligarchie est mal placé pour l’entreprendre. Ce qui est prioritaire, c’est une refonte de la fiscalité qui, en France, comme dans les autres pays occidentaux, a favorisé depuis trente ans les revenus du capital au détriment de ceux du travail.

Le phénomène est bien attesté par de nombreuses études d’organismes officiels : dans les pays occidentaux, la part des salaires dans le produit intérieur brut (PIB) a fortement reculé au profit des revenus du capital (lire « Part des salaires : et pourtant elle baisse », de Michel Husson, sur le site www.france.attac.org). La base de données économiques Ameco de la Commission européenne précise le phénomène : en France, par exemple, la part des salaires dans le PIB est passée d’une moyenne de 63 % dans les années 1960 et 1970 à 57 % dans les années 2000, soit une chute de 6 points. Sachant que le PIB de la France est de 2 000 milliards d’euros, ces 6 points représentent 120 milliards d’euros par an. Un chiffre à comparer au déficit de la branche vieillesse de la Sécurité sociale, qui devrait être de 11 milliards d’euros en 2010. Discuter de la résorption de ce déficit sans poser la question du partage des richesses n’a évidemment pas de sens.

Mais si la récupération du butin amassé par les capitalistes est un préalable, elle ne saurait suffire à résoudre les problèmes : dans un monde où la crise écologique s’affirme toujours plus, la poursuite de l’enrichissement matériel collectif doit être contestée. Le renouveau de la solidarité collective doit être prolongé par une nouvelle conception de l’économie.

« Travailler une heure par jour », un livret au titre provocant de l’association Bizi, basée à Bayonne, peut nous y aider (voir sur le site www.bizimugi.eu). Il rappelle que le travail est focalisé sur l’augmentation de la production, dont les dégâts écologiques sont toujours plus lourds, alors même qu’un nombre croissant de personnes sont exclues de l’emploi. Il explique comment une meilleure répartition des revenus facilitera la baisse nécessaire de la production, celle-ci étant permise par la réduction des gaspillages – tels que les emballages, ou les investissements inutiles, comme la ligne TGV Bordeaux-Hendaye -, l’amélioration de la durabilité des produits, la lutte contre la publicité, le partage du temps de travail. Utopique ? L’utopie, c’est de croire que le système actuel pourra durer longtemps."

J'ajouterais quand même qu'à 35 ans, un cadre peut espérer vivre 46 ans et un ouvrier 39 ans selon les conditions de mortalité de la fin des années 90. 7 ans de différence...comment donc faire plus injuste et inepte que la réforme qu'on nous impose?